Par Andreas Trepte — Travail personnel, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=453126

Le Paradis Fantastique de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely marque une collaboration artistique révolutionnaire née lors de l’Exposition universelle de Montréal en 1967. Cette oeuvre monumentale, composée de 15 sculptures géantes, illustre parfaitement la complémentarité entre les machines noires de Tinguely et les Nanas colorées de Saint Phalle, transformant l’art contemporain en spectacle participatif accessible à tous.

Genèse d’une oeuvre collaborative révolutionnaire : la commande de Montréal

L’année 1967 marque un tournant décisif dans l’histoire artistique contemporaine avec l’Exposition universelle de Montréal, événement majeur qui accueillera plus de 50 millions de visiteurs. C’est dans ce contexte d’effervescence culturelle internationale que naît l’une des collaborations les plus audacieuses du XXe siècle entre Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely.

La commande officielle du pavillon français

Le ministère des Affaires culturelles français contacte simultanément plusieurs artistes pour concevoir un jardin de sculptures destiné au toit du pavillon français. Robert Bordaz, commissaire général du Pavillon, se montre initialement réticent face à la proposition révolutionnaire du couple d’artistes. Niki de Saint Phalle témoigne de cette période :

« Le Ministère des affaires culturelles nous contacte tous les deux, en même temps que d’autres artistes pour faire un jardin de sculptures sur le toit du pavillon français. Nous avons immédiatement saisi l’occasion pour présenter un projet réunissant nos deux oeuvres et éliminant les autres. »

Cette commande officielle représente une opportunité sans précédent pour les deux artistes de concrétiser leur vision d’un art total, participatif et monumental. Le projet, baptisé « Paradis fantastique », s’impose rapidement comme une proposition radicalement différente des autres soumissions artistiques.

L’héritage de « Hon » et l’influence de Pontus Hulten

Cette collaboration s’inscrit dans la continuité directe de « Hon/Elle », l’oeuvre gigantesque réalisée en 1966 au Moderna Museet de Stockholm. Cette sculpture féminine de 28 mètres de long, dans laquelle les visiteurs pouvaient pénétrer, avait attiré plus de 100 000 personnes et révolutionné l’art contemporain. Pontus Hulten, directeur du musée suédois depuis 1960, avait courageusement soutenu ce projet controversé.

Le conservateur suédois, futur premier directeur du Centre Pompidou de 1974 à 1981, joue un rôle déterminant dans la carrière des deux artistes. Jean Tinguely lui rend hommage :

« Pontus Hultén est un homme d’immense courage. Il a risqué son job comme directeur du Musée de Stockholm non seulement en laissant faire un projet aussi controversé [que Hon/Elle], mais encore en y participant activement. »

Les défis techniques et artistiques

Le Paradis fantastique présente des défis techniques considérables. L’oeuvre comprend 9 sculptures monumentales conçues par Niki de Saint Phalle et 6 sculptures animées mécanisées par Jean Tinguely. Chaque élément nécessite une ingénierie complexe pour résister aux conditions climatiques canadiennes tout en conservant ses fonctions artistiques et mécaniques.

Composants Nombre Artiste Caractéristiques
Sculptures monumentales 9 Niki de Saint Phalle Nanas colorées, formes organiques
Machines animées 6 Jean Tinguely Mécanismes en ferraille noire
Créations solo 3 Niki de Saint Phalle Sculptures indépendantes
 
Bataille des genres : machines masculines contre sculptures féminines

Bataille des genres : machines masculines contre sculptures féminines

Cette confrontation artistique révèle une dimension symbolique profonde où s’entremêlent passion créatrice et tension amoureuse. Le Paradis Fantastique transpose sur le toit du pavillon français une véritable guerre des sexes, orchestrée par deux artistes qui transforment leur relation intime en spectacle public grandiose.

Une joute amoureuse sculptée dans le métal et la couleur

La construction de l’oeuvre obéit à une logique de confrontation organisée. Chaque duo sculpté par les deux artistes met en scène une bataille ritualisée entre les univers masculin et féminin. Robert Bordaz, commissaire général du Pavillon, accepte finalement cette proposition audacieuse qui transforme l’art en arène amoureuse. Les sculptures s’organisent par groupes de deux, destinées à parodier cette joute cruelle où s’affrontent les visions antagonistes du couple.

Trois sculptures créées uniquement par Saint Phalle complètent cet ensemble, témoignant de l’autonomie créatrice de l’artiste au sein de cette collaboration. Ces pièces solitaires ponctuent le dialogue amoureux, offrant des moments de répit dans cette bataille permanente entre les genres.

L’opposition des matériaux : ferraille contre sensualité baroque

Les machines noires en ferraille de Tinguely incarnent une masculinité industrielle et mécanique. Cet « ingénieur d’inutilité publique » transforme les déchets métalliques en machines automatisées qui dansent, tournent et s’agitent dans un ballet mécanique perpétuel. Ses créations puisent dans l’univers de la récupération, des décharges aux galeries d’art, insufflant le mouvement dans des assemblages de ferraille.

Univers de Tinguely Univers de Niki
Ferraille noire Couleurs baroques
Mécaniques automatisées Formes sensuelles
Mouvement saccadé Courbes généreuses
Masculinité industrielle Féminité exubérante

Face à cette esthétique masculine brutale, les sculptures baroques et bariolées de Niki déploient une féminité triomphante. Ses célèbres Nanas aux formes opulentes et aux couleurs éclatantes incarnent une sensualité débridée qui défie la froideur mécanique de son compagnon.

Reflet d’une relation passionnelle et créatrice

Cette oeuvre commune traduit fidèlement leur relation amoureuse parfois mouvementée. La complémentarité entre mécanique et sensualité révèle les tensions et les harmonies de leur couple d’artistes. Chaque sculpture dialogue avec sa voisine dans une chorégraphie où s’expriment autant l’attraction que la répulsion, l’amour que le conflit.

« Il s’agissait d’un combat amoureux entre mes Nanas, mes animaux, et tes machines », témoigne Niki de Saint Phalle, révélant cette dimension intime transposée dans l’art monumental.

Le Paradis Fantastique transcende ainsi la simple collaboration artistique pour devenir le théâtre d’une psychologie amoureuse complexe, où chaque matériau, chaque forme, chaque mouvement raconte l’histoire tumultueuse de deux créateurs unis dans la vie comme dans l’art.

Héritage et rayonnement : du Canada aux musées internationaux

Héritage et rayonnement : du Canada aux musées internationaux

Après son dévoilement spectaculaire sur le toit du pavillon français de l’Exposition universelle de Montréal en 1967, le Paradis Fantastique s’impose comme une oeuvre révolutionnaire qui marquera durablement l’histoire de l’art contemporain. Cette création audacieuse de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely continue aujourd’hui de fasciner les publics du monde entier, témoignant de sa portée universelle et de son influence persistante sur les générations d’artistes.

Une réception triomphale au Canada et reconnaissance internationale

L’accueil du Paradis Fantastique lors de l’Exposition universelle de 1967 dépasse toutes les attentes. Plus de 50 millions de visiteurs découvrent cette bataille sculptée entre machines et Nanas, transformant instantanément l’oeuvre en symbole de l’avant-garde artistique française. Le public canadien, confronté pour la première fois à cette esthétique provocante, manifeste un enthousiasme débordant qui surprend même les créateurs.

Suite à ce succès retentissant, l’ensemble sculptural entame une tournée internationale prestigieuse. La Galerie d’art Albright-Knox de Buffalo accueille l’oeuvre pendant une année complète, attirant des milliers d’amateurs d’art contemporain. Central Park à New York offre ensuite un écrin naturel exceptionnel à ces créations monumentales, permettant au grand public américain de découvrir cette synthèse unique entre mouvement et couleur.

Du Moderna Museet au Grand Palais : une consécration muséale

En 1971, les artistes offrent généreusement leur chef-d’oeuvre au Moderna Museet de Stockholm, institution dirigée par Pontus Hulten qui avait soutenu leur démarche artistique dès les années 1960. Cette donation marque l’entrée définitive du Paradis Fantastique dans les collections muséales internationales, garantissant sa préservation pour les générations futures.

Aujourd’hui, l’exposition « Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten » au Grand Palais à Paris, présentée jusqu’au 4 janvier 2026, constitue un hommage magistral à cette collaboration exceptionnelle. Cette rétrospective, coproduite par le Centre Pompidou et GrandPalaisRmn, replace le Paradis Fantastique dans son contexte historique et artistique, révélant toute la richesse de cette création pionnière.

Héritage du Nouveau Réalisme et art participatif

Le Paradis Fantastique s’inscrit pleinement dans l’histoire du Nouveau Réalisme, mouvement artistique qui révolutionne l’art du XXe siècle. Cette oeuvre anticipe les développements de l’art participatif, invitant le spectateur à devenir acteur de l’expérience esthétique par sa déambulation entre les sculptures animées.

L’influence de cette création se mesure également à travers les nombreuses ressources pédagogiques développées :

  • Catalogue d’exposition (45 €) proposant une analyse approfondie
  • Journal de l’exposition (6 €) accessible au grand public
  • Dossier pédagogique complet pour les enseignants
  • Livret jeux destiné aux jeunes visiteurs
  • Guide de visite détaillé

Ces outils témoignent de la volonté des institutions culturelles de transmettre cet héritage artistique exceptionnel, confirmant la place centrale du Paradis Fantastique dans l’art contemporain international.

Diverses expositions où l’on a pu apercevoir le Paradis Fantastique

Le Paradis fantastique a connu plusieurs expositions notamment l’exposition à la Galerie d’art Albright-Knox de Buffalo, à Central Park à New York. Cette exposition dure pendant un an. Plus de détails sur d’autres lieux d’expositions d’œuvres d’art de jeunes artistes ou celles de grands maîtres sont disponibles sur http://galeriemonod.fr/. Les artistes offrent leur chef-d’œuvre au Moderna Museet de Stockholm. Ce choix est logique quand on sait que les œuvres sont inspirées de Hon/Elle. Les œuvres ornent dans un parc situé à proximité du musée de Stockholm.